Les acteurs

Crédit photo : Matthieu Lecouvey – Initial Ingénierie

La résistance française

Le 18 juin 1940, peu  après l’arrêt des combats, une voix venue de Londres s’élève pour appeler les français à ne pas accepter la défaite et à poursuivre la lutte. Le général de Gaulle, ex-secrétaire d’état à la guerre, dont l’appel sera réitéré à plusieurs reprises, va constituer avec l’aide des britanniques une organisation de résistance extérieure : « la France libre » et, dès l’été 1940, des milliers de volontaires vont rejoindre ces Forces Françaises Libres, qui vont poursuivre le combat aux côtés des Alliés. Parallèlement , la résistance de l’intérieur va concerner tous ceux qui sont restés en France, en zone occupée ou en zone libre et dont le recrutement sera amplifié par l’instauration du STO pour les hommes de 20 à 25 ans d’abord. Les premiers mouvements de résistance intérieure apparaissent en octobre 1941 et prennent peu à peu contact avec la France Libre.

Les maquis ou groupes d’action se multiplient et la Gironde est un des départements les plus prolifiques. Ils entreprennent des actions contre les forces de l’Allemagne nazie et les structures du gouvernement de Vichy, mais de façon désordonnée bien que chapeautés par l’OCM. (Organisation civile et militaire) Il va bientôt s’avérer nécessaire de coordonner toutes ces actions tant elles sont sans unité. C’est en mai 1943 que l’unité de la Résistance va être enfin réalisée avec la création du CNR (Comité national de la Résistance) voulu par le général de Gaulle qui devient ainsi le Chef incontesté de la Résistance. Il en confie la présidence à Jean Moulin, ancien préfet de l’Aveyron puis d ‘Eure et Loir dont la résistance et la ténacité face à l’ennemi est déjà connue de tous.

Carte de la France occupée pendant la guerre avec les différentes régions ou les maquis sont installés.
Les principaux maquis installés en France.
Photo portrait de Jean Moulin célèbre résistant
Jean Moulin (1899 - 1943)

La France va être divisée en régions de résistance et de responsabilité. Le sud-ouest de la France, nommé Zone B, n’échappe cependant pas à la désorganisation au point que les groupes et factions divers disparaissent peu à peu de par l’action de l’ennemi. Il faudra attendre le début de 1944 pour voir se reconstituer des Corps francs, des groupes FTP et d’autres qui seront placées sous l’autorité d’un DMR  Claude Bonnier auquel succédera plus tard le général Moraglia.

 

Cette libération, la Résistance française va largement y contribuer par ses actions et les renseignements fournis aux Alliés. Elle va contrarier en permanence les mouvements des troupes brisant ainsi la remontée des renforts allemands vers le front.

Dans les années 1946 à 1948 ce sont plus de 1000 médailles de la Résistance Française qui seront décernées au sein des  6900 résistants recensés du  seul département de la Gironde.

Un groupe de résistants de l'époque, armes à la main.
Médaille de la résistance française.

La milice française

Le contexte

Au lendemain du débarquement des forces alliées en 1942 en Afrique du Nord, les Allemands envahissent la zone libre. Le gouvernement de Vichy se trouve privé de tous ses attributs qui pouvaient laisser croire à un état indépendant : plus d’empire colonial, sa flotte, fleuron redouté et envié de tous, s’est sabordée, son armée d’armistice a été brutalement renvoyée de ses casernes, il ne reste plus à Vichy que la police et la gendarmerie, deux maillons obéissants mais dont la soumission se fait de moins en moins certaine tant l’éveil des consciences et le surgissement de résistants dans leurs rangs progressent. 

Les instigateurs : Pierre Laval et Joseph Darnand

Dans ces conditions, Laval, le chef du gouvernement, saute le pas et promulgue par une loi en janvier 1943 la constitution de la Milice française en transformant une organisation paramilitaire existante, le Service d’Ordre Légionnaire, dont le chef Darnand, prendra la tête tout en gagnant la fonction ministérielle de secrétaire général de la milice (01.1943) puis celle de secrétaire général du maintien de l’ordre 01.1944).

Photo double de Pierre Laval et Joseph Darnand

Le symbole

Photo du symbole Gamma de la milice française

La Milice française aura pour symbole le signe Gamma, symbole de force et de renouveau, un uniforme et ses membres prêteront un serment de fidélité composé de 21 points dont un raciste et antisémite.

La milice à Bordeaux

Pour la région de Bordeaux, cette organisation siégera au lycée Grand Lebrun à Caudéran, et ne comportera guère que quelques centaines de membres.

Photo d’une carte postale ancienne du collège Grand-Lebrun à Caudéran, siège de la milice française

Intéressons-nous à deux de ses composantes :         Le deuxième service, chargé du renseignement. Il aura trois missions : celle de contrôler et de surveiller les membres de la Milice (miliciens et miliciennes), d’obtenir des renseignements par le fichage des suspects, le recueil des délations et les interrogatoires violents, et enfin le troisième objectif étant la préparation des interventions contre les maquis ou toute autre personne suspecte. 

      La Franc-garde : elle sera le bras armé accomplissant les basses besognes décidées par le deuxième service. Elle est constituée sur le modèle militaire : officiers, sous-officiers, hommes de troupes jeunes, en arme et en uniforme. Elle est encasernée, dispose d’une école de cadres. Si son corps d’officiers est composé de collaborateurs sûrs, les hommes du rang eux sont souvent là pour la solde, les conditions de vie plus faciles (équipement, nourriture, logement) et échapper au Service du Travail Obligatoire.

Photo de 6 miliciens en uniforme et défilant arme à l’épaule
Groupe de miliciens

        La milice ne comptera pas plus de 30 000 membres pour tout le territoire français. Elle ne sera armée que d’armes légères à partir de la fin 1943. Elle s’attire la haine de la Résistance et de beaucoup de Français, si bien qu’entre le moment de sa création (juin 1943) et celui de son armement (fin 1943), plus de 70 de ses membres sont assassinés.

La police Française

La S.A.P (Section des Affaires Politiques) : un service de la police française

La Police n’a jamais cessé d’exister depuis la signature de l’armistice en juin 1940. Elle sera très soumise au régime de Vichy, se rendra complice, par devoir d’obéissance aux ordres, de nombreux crimes commis par les troupes ou la police allemandes. Nombre de policiers sont progressivement devenus des maîtres dans l’art de l’obstruction aux ordres allemands, puis certains d’entre eux deviendront des résistants très précieux.

 

A côté de cette grande majorité de policiers attentistes des premiers jours, il s’est trouvé des policiers collaborateurs avec les services allemands. Ils étaient très actifs pour traquer, interroger des résistants ou de simples suspects, fournissant à la police allemande une aide substantielle. C’est le cas de la S.A.P ou section des Affaires Politiques dont les inspecteurs travaillaient en liaison étroite avec la police allemande.

La police Allemande

Plusieurs services existent. On s’intéressera plus particulièrement à celui du K.D.S, dont Bordeaux devint une des premières directions régionales, avec son siège au Bouscat et dont Dohse et Kunesch occupaient la tête de deux sous-sections du IVème Bureau. C’est au siège du Bouscat que de nombreux résistants furent interrogés et torturés.

 

K.D.S (Kommando Der Sipo und SD) : service de police de sécurité de l’état, le SD étant particulièrement rattaché à la SS.

Le bureau IV du K.D.S

C’est celui de la GESTAPO proprement dite. Il comprend une section « terrorisme-communistes », une section déportation, une section antijuive et une section contre-espionnage et répression de la Résistance. Il était aussi chargé de déterminer, parmi les personnes arrêtées, celles qui devaient être jugées et celles qui devaient être déportées sans jugement. Il choisissait également les otages à fusiller en cas de représailles.

 

Dohse et Kunesch furent particulièrement concernés par l’affaire de la Ferme de Richemont.

Dohse Friederich, Wilhelm

Dohse, chef de la sous-section IV F était particulièrement chargé du renseignement. Policier allemand professionnel, fin psychologue, maitrisant parfaitement la langue française, laissant les brutalités aux autres services, sans toutefois les ignorer et bien entendu en profiter, il savait « retourner » avec talent les résistants et bénéficier ainsi de renseignements précieux. C’est lui qui « pilota » l’affaire du chef résistant « Grand Clément », occasionnant le démantèlement d’un réseau important de résistants dans le sud-ouest.

Photo d’identité judiciaire de Dohse Friedrich, un des chefs de la police allemande de Bordeaux
Photo d’identité judiciaire de Dohse Friederich, Wilhelm (Archives Justice Militaire)

Kunesch Rudolf

Kunesh, SS autrichien de la première heure dont le militantisme fasciste se manifeste dès sa seizième année et son adhésion au parti nazi à 19 ans (N.S.D.A.P), c’est tout l’opposé de Dohse. Il est décrit par ses subordonnés comme brutal, sans intelligence et alcoolique. A la tête de la sous-section IV B, il se chargeait de la répression de la résistance et donc menait des interrogatoires « renforcés », c’est-à-dire très brutaux (coups de poings, de nerf de bœuf et autres sévices). Il conduisait également les hommes du K.D.S lors des expéditions contre les maquis, à l’exemple de celui de la Ferme de Richemont. 

Photo de la carte d’adhésion au parti national socialiste de Kunesh Rodolf, chef SS de l’expédition menée contre les résistants de la ferme de Richemont
Date d’adhésion au N.S.D.A.P de Kunesh. Ce document montre également qu’il s’était réfugié en Allemagne hitlérienne afin d’échapper à la justice autrichienne. (Archives allemandes)

Les prémices du drame

Une fable tragique mais courante à cette époque, va se dérouler entre un jeune résistant, peu rompu aux méthodes de la clandestinité, un collaborateur, convaincu de l’importance de son rôle et redoutablement tenace dans sa démarche, et la milice que tout entraîne vers l’abîme du jusqu’au boutisme le plus noir à la veille de sa disparition qu’elle sait inexorablement proche en ce mois de juillet 1944.

 

C’est ainsi que le jeune André Hostein, résistant en herbe de la ferme de Richemont, s’est vu autorisé, par une permission, à regagner Bordeaux pour y retrouver ses parents séparés et en instance de divorce. C’est au cours de cette permission qu’il croisera, sans le savoir, un collaborateur à la sagacité dangereuse, Edouard Sigriste. Ce dernier déduira, peut-être par l’écoute de propos imprudents de la part d’André Hostein, qu’il tient là un renseignement sur un résistant qui peut intéresser le deuxième service de la Milice.

Le 12 juillet 1944, il se rend au bureau de cette dernière d’où il est renvoyé sans ménagement une première fois sous prétexte que les renseignements fournis ne sont pas suffisants pour mener à bien une enquête.

 

Loin d’être découragé par cette rebuffade, il revient à la charge le lendemain, fournissant aux miliciens le nom et l’adresse d’un ancien employeur du jeune résistant tout en menaçant la Milice d’en informer les services allemands si rien n’est entrepris.

Photo du procès-verbal de la dénonciation faite par Sigriste à la milice et ayant menée à l’arrestation du jeune résistant André Hostein
PV de la dénonciation d’André Hostein par « Monsieur Sigriste » (Document AD33)

Le 13 juillet les inspecteurs Dehan et Tournadour, inspecteurs du 2ème service de la Milice, après enquête chez l’employeur, arrêtent André Hostein chez sa tante. Conduit dans les bureaux de la Milice, il avouera tout ce qu’il sait du groupe de résistants stationnant à la Ferme de Richemont.

Tout va très vite, dès le soir le chef régional de la Milice, le colonel Franck, décide de mettre sur pied une expédition. Craignant de ne pas avoir suffisamment d’hommes et devant obtenir l’assentiment des autorités d’occupation, contact est pris avec Dohse. Ce dernier est d’accord pour une expédition dès le lendemain, 14 juillet 1944. Le « commandeur » Machule, chef du KDS de Bordeaux donne son accord et désigne Kunesch comme chef de cette expédition.      

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